La peau des arbres, la chair des roches

  • Exposition
    "La peau des arbres, la chair des roches"
    du jeudi 5 avril 2007 au samedi 26 mai 2007
    à la Galerie XII, 14 rue des Jardins Saint-Paul, Paris 4e

    « Les arbres, a dit un sage un peu misanthrope, me consolent des hommes mieux que les animaux, avec lesquels ils ont trop de ressemblance ». Un poète ajoute, toujours à propos d’arbres : « Je suis le dévot de ces êtres, les choses les plus religieuses que je sache dans l’univers.» Comme la rose dont parle le Pèlerin chérubinique, les arbres sont « sans pourquoi ». Silencieuse, sans défense, leur beauté donne sans rien demander en échange, et ils dispensent sans compter, outre leur ombre, leur feuillage, leurs fleurs et leurs fruits, l’admirable élan qui les enracine dans la terre en même temps qu’il les porte vers la lumière et le ciel . Le plus bel éloge des arbres a été d’imaginer qu’ils aient servi de modèle aux architectes des temples grecs et des cathédrales gothiques.

    J’ai été tenté de faire des portraits photographiques d’arbres. Aucun n’a répondu au sentiment qu’ils m’inspirent. Seule la poésie d’Ovide, qui fait de certains arbres des métamorphoses sereines d’amants tragiques, ou la peinture du Titien, de Claude, de Fragonard, qui fait d’eux des métaphores ailées de nymphes ou de fées, est à la hauteur de ce que je sais d’eux. Alors je me suis rabattu sur la vue rapprochée, et j’ai découvert que la photographie pouvait du moins fixer ce que l’on ne regarde le plus souvent en passant et distraitement, le cuir des arbres. Sur leur tronc, support de riche et vive matière, se révèle aussi, partie pour le tout, l’art généreux de la Nature, dans son génie de buriniste et de peintre coloriste sur bois.
    Les chênes, les oliviers exposent sur leur cuir repoussé des chefs d’œuvre de la gravure. Les bouleaux, les eucalyptus, sur leur peau lisse portent d’autres chefs-d’œuvre, de dessin et de coloris. On passe trop vite devant eux. Par la brève anthologie que propose cette exposition, je souhaite partager avec les promeneurs en forêt, les visiteurs de jardins botaniques, les explorateurs de pays lointains, les joies esthétiques que donne l’incroyable génie plastique de la Nature, graveur et peintre «abstraits» sur l’épiderme de nos amis les arbres…
    Impatient de l’universel reportage auquel s’adonne l’art inventé par Daguerre, je l’ai invité aussi à s’en détourner pour scruter un autre aspect du génie de la Nature, les fresques et les sculptures que ses pluies, ses vents, ses vagues ont tracées ou modelées, au cours de siècles, sur rochers ou falaises. Cette exposition retient quelques unes de ces images, prises en Inde, dans l’État du Karnataka, au dessus ou autour des monastères troglodytes d’Ajanta et Ellora. Ces lieux de retraite et de méditation creusés dans la pierre calcaire par des architectes et des sculpteurs pieux ont été conçus et accordés par eux aux vœux que la Nature leur suggérait par son propre et antique génie plastique. »
    Marc Fumaroli


  • Presse